lundi 5 novembre 2007

Italie/ un modéle des libéraux pour la privatisation de la fonction publique

Etudes réalisées pour le portail "E-Fonctionnaires" - 2003 La fonction publique en Italie -------------------------------------------------------------------------------- Le président Sarkosy a clairement fait état du probable développement de contrats privés dans la fonction publique. Son discours sur les fonctionnaires qui sert de référence à la stratégie et aux propositions des quatre conférences en cours sur le service publique fait largement place à des logiques ultra-libérales de gestion des personnels et de privatisation de la F.P. Le gouvernement se plait en particulier à faire référence aux modéles étrangers; Par exemple, celui de la privatisation de la fonction publique en Italie Introduction 1/ Le recrutement 2/ La carrière 3/ La rémunération 4/ Droits et obligations 5/ Haute fonction publique Bibliographie Introduction En 1993, l’Italie a profondément réformée sa fonction publique. Le décret législatif n°29 de février 1993 a sanctionné la transformation du statut de presque tous les fonctionnaires publics en un contrat de droit privé régi par le code civil. Les points clés de la réforme sont : - la soumission au droit privé de la plupart des fonctionnaires (à l'exception des dirigeants généraux, préfets, diplomates ...), - l'attribution de compétence au juge ordinaire pour les litiges les concernant; - l'extension du champ de la négociation collective à toutes les matières non réservées à la loi ou au règlement. Le partenaire public de la négociation étant désormais une agence. Les personnels de l’administration sont donc désormais tous des employés contractuels. Au sein des personnels de l’administration, on distingue les catégories d’emploi qui n’ont pas été privatisées afin de préserver leur autonomie (magistrats du siège et magistrats du parquet, professeurs des universités, militaires et officiers de police, diplomates et corps préfectoral) (1) . Ces catégories sont qualifiées d’employés publics non contractualisés par opposition aux employés contractualisés/privatisés. Ces derniers se divisent en 2 catégories: le personnel (personale, ou personale non dirigente, ou personale dei livelli) et les hauts fonctionnaires(dirigenti), à qui l’on applique des dispositions particulières en matière de recrutement, d’organisation interne et de conventions collectives. Une autre distinction peut-être faite au sein de la catégorie du “ personnel ” entre ceux qui doivent passer un examen, personnel senior, et ceux qui n’y sont pas tenus, personnel junior, pour être engagés. Enfin, la loi 145/2002 relative à la réforme de la haute fonction publique a créé la catégorie dite de cadres moyens (vicedirigenti) composée de personnels seniors expérimentés auxquels les hauts fonctionnaires peuvent déléguer certaines tâches. Les différentes catégories d’employés publics en Italie Les agents contractualisés/privatisés Hauts fonctionnaires (dirigenti) Hauts fonctionnaires adjoints (vice-dirigenti) Personnel Personnel senior Personnel junior Cependant, le maintien des règles de droit public en matière de recrutement, incompatibilités, cumuls d'emploi fait dire à certains spécialistes qu'il s'agit d'une "privatisation ... imprégnée de droit public"(2). On considère dorénavant que le système de fonction publique italien est un système d’emploi et non plus un système de carrière. (1) A l’origine, les réformes ne s’appliquaient pas directement aux agents publics des régions à statut spécial (Valle d’Aosta, Trente et Haute Adige, Frizon et Vénétie Giulia, Sicile et Sardaigne) et aux provinces autonomes Trente et Bolzano. Cependant, elles constituent “ des normes fondamentales de la réforme économique et sociale de la République ” (art 2, §3, Décret législatif 165/2001), et en tant que telle ces entités devront les suivre. (2) Fonctions Publiques en Europe, M-C.MEININGER, A.CLAISSE, Montchrestien, oct 1994, p 36. é 1/ Le recrutement Pour postuler à un emploi public, les candidats doivent jouir de leurs droits civiques et politiques, avoir la nationalité italienne ou être ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne (une liste prévoit les emplois fermés à ces ressortissants), être apte physiquement. Il n’y a plus de limite d’âge pour accéder à la fonction publique (loi n°127/97 de 1997). Pour accéder à la fonction publique, des diplômes spécifiques sont requis en fonction du profil de l’emploi aux différents niveaux de l’administration. En règle générale, une formation est dispensée après l’entrée en service. Pour l’accès aux fonctions de cadre, il existe des “ cours-concours ”. Le fonctionnaire a une période d’essai de 6 mois. L'article 97 de la constitution établit le principe du concours pour l'accès aux emplois publics, mais admet que la loi puisse en décider autrement dans certains cas. Différentes lois ont ainsi établi des dérogations pour les emplois réservés et l'engagement d'employés subalternes. Il existe divers types de concours. Pour les niveaux inférieurs, l’examen consiste en 2 épreuves, une écrite et une orale, qui permettent d’établir des listes de résultats. Le candidat sera affecté à son emploi en fonction de sa position à la réussite du concours et en fonction du nombre de poste vacant. Le recrutement des hauts fonctionnaires déroge à ces principes (voir infra). é 2/ La carrière Chaque employé est encadré dans un "profil professionnel". Celui-ci définit le type d'activité en fonction de : - son contenu, - du degré de responsabilité et d'autonomie, - du diplôme requis... Ces profils professionnels sont regroupés en "qualifications fonctionnelles" par niveau de tâches et de responsabilités. Il n'existe pas de lien direct entre les différentes qualifications fonctionnelles. Chaque employé accède à une qualification par concours et ne peut passer à une autre par avancement. Ainsi, les qualifications fonctionnelles ne peuvent constituer une carrière. Il n'y a donc pas de carrière, au sens juridique, à l'intérieur d'une qualification fonctionnelle, mais seulement une progression de salaire. Dans la pratique, des normes particulières et de conventions collectives ont cependant permis un avancement d'une qualification à une autre, lié à : - l'ancienneté, - des cours de recyclage professionnel, - la difficulté des tâches exercées Aussi, l’agent public italien va-t-il pouvoir évoluer au cours de sa carrière en passant des concours qui auront vocation à le faire changer d’emploi. Pour les postes de plus hauts rangs, à l’issue de ce concours, les agents bénéficieront d’une formation à la Scuola superiore della pubblica administrazione della Presidenza del Consiglio dei Ministri. En cas de réaffectation du personnel à la suite d’une restructuration, les fonctionnaires italiens ont la possibilité de présenter de plein gré leur candidature à des postes vacants qui sont publiés sur une liste de vacances d’emplois. Ces fonctionnaires sont alors mutés sur la base d’une liste dressée par l’administration d’accueil. Pour les fonctionnaires déclarés “ redondants ” et n’ayant pas fait de demande de changement, ils sont reclassés d’office sur la base d’une liste de postes restés vacants malgré la mobilité volontaire. Depuis peu, la formation permanente est considérée comme une priorité et le département ministériel de la fonction publique encourage dorénavant la mise en valeur des ressources humaines en utilisant les services offerts par la Scuola superiore della pubblica administrazione, le Formez ( centre d’études et de formation des collectivités territoriales) ainsi que d’autres organismes publics ou privés agissant dans ce domaine. La formation du personnel en cours de carrière est alors devenue obligatoire. Elle est encadrée par le service dont dépend l’agent. La meilleure utilisation des activités de formation découle de l’examen des compétences du personnel et des demandes. é 3/ La rémunération Des critères de performance et de professionnalisme ont été introduits par la réforme de la fonction publique pour déterminer la rémunération et l’avancement des agents de l’administration. Les agents sont donc évalués annuellement. Depuis 1993, la négociation collective, nationale et locale, ainsi que la négociation complémentaire menée au sein de chaque administration ont remplacé la loi dans la détermination des tâches et des salaires des fonctionnaires. Tout automatisme dans la progression des rémunérations (augmentation selon le critère de l’ancienneté) a été éliminé par le décret législatif de février relatif à la fonction publique. Des primes pour Noël, sont parfois octroyées ainsi que des indemnités pour certains postes et certaines fonctions. Les heures supplémentaires sont dédommagées par des indemnités. L’ensemble d’un service peut être récompensé par un enveloppe à partager entre les agents s’il a rempli ses objectifs annuels. La négociation comprend deux niveaux. Il s'agit tout d'abord des conventions collectives nationales de secteur. Le second niveau se situe au niveau de l'entreprise. Les conventions à ce niveau cherchent à compléter et appliquer celles du niveau supérieur. Des négociations collectives au niveau national et des entreprises ont été signées. Dans le cadre de ces négociations collectives, l'Etat est représenté par l'Agence pour la représentation des administrations publiques dans les négociations. Les règles concernant la représentativité des syndicats ont été modifiées afin de réduire la fragmentation syndicale et d'instaurer une plus grande stabilité. Les syndicats et l'Agence pour les administrations publiques dans les négociations avec les syndicats (ARAN) qui suit les directives du ministre de la fonction publique et plus généralement du gouvernement négocient ensemble les contrats et les rémunérations des agents publics employés sous contrat privé. Les contrats de travail sont conclus pour 4 ans et celui concernant les rémunérations pour 2 ans. Les contrats individuels concernent les conditions de travail, les responsabilités, les objectifs et les rémunérations des dirigeants. Ils doivent respecter les contrats nationaux de secteur. é 4/ Droits et obligations Droits Au nombre des droits qui sont reconnus aux fonctionnaires : - la "semi-stabilité" : le lien ne peut être rompu d'autorité par l'administration, excepté dans les cas et selon les modalités rigoureusement prévus par la loi - le droit d'exercer les tâches inhérentes au profil professionnel et à la qualification fonctionnelle dans lesquelles l'agent est encadré. Il n'existe pas de limite particulière à la liberté d'opinion et à la liberté politique, ni aux droits syndicaux des agents publics. L'article 98 de la constitution, alinéa 3, prévoit seulement que la loi peut imposer des limitations au droit de s'inscrire aux partis politiques pour les magistrats, les militaires, les fonctionnaires et agents de police, les représentants diplomatiques et consulaires à l'étranger. Aucune limitation n'a été cependant définitivement fixée, pas même pour ces catégories. La grève est interdite seulement au personnel militaire et à la police d'Etat. Pour les autres agents publics, des limitations proviennent de la loi n°146 du 12 juin 1990. Devoirs Les agents contractualisés n’ont plus l’obligation de prêter serment depuis 2001, mais cette obligation demeure pour les agents non contractualisés. Les principaux devoirs sont : la fidélité (les fonctionnaires sont au service exclusif de la Nation), l'impartialité, la légalité, la réserve. Ils doivent également faire preuve d’efficience et de professionnalisme. é 5/ Haute fonction publique Le décret législatif de février 1993 crée une nouvelle haute fonction publique la Dirigenza et définit les principaux éléments des fonctions de management en complémentarité du rôle d’orientation politique dévolue au ministre. En 2002, les postes de cadres supérieurs sont au nombre 4800 organisés en 2 niveaux : 4400 dirigeants de base et 400 dirigeants “ généraux ”. L'accès à la haute fonction publique continue de se faire par le biais d’un concours par examen (30%), épreuves et entretiens pour 70% des postes du 1er degré. Toutefois, la réforme a prévu la possibilité du recrutement de responsables de poste de direction parmi des experts n'appartenant pas à la fonction publique ou au sein du secteur privé. La limite est que seuls 5% des postes peuvent être concernés et ce pour une période fixe et limitée. La procédure de recrutement n’est pas ici le concours mais une évaluation des capacités au regard de l’expérience acquise dans le secteur privé et la formation de base. Les performances des dirigeants sont définies dans les contrats individuels. Cela a été rendu possible grâce à la délimitation entre les responsabilités des politiques et des dirigeants administratifs. La responsabilisation des hauts fonctionnaires a été accrue par l'élaboration de codes de conduite et des chartes de service relatifs à la qualité. Pour les postes de direction, le pouvoir a la possibilité de recruter des experts en provenance du secteur privé et qui ne sont donc pas issus de la fonction publique. Cette possibilité a permis à l'administration italienne de profiter de l'apport d'énergies et d'expériences nouvelles. Ces experts ont été bien souvent à l'origine des réformes mises en œuvre depuis 1993 en Italie. Depuis 1998 et jusqu’en 2002, les dirigeants étaient recrutés sur la base d’un contrat de droit privé à durée indéterminée qu’ils signaient avec leur ministère employeur. Leurs termes et conditions d’emploi étaient prévus dans une convention collective que le contrat devait reprendre. Depuis octobre 2002, le statut des hauts fonctionnaires est retourné dans la sphère du droit public, ils sont nommés par le ministre dont il dépend. Néanmoins, dans l’un et l’autre cas, le haut fonctionnaire italien signe un contrat à durée déterminé de 3 ou 5 ans fixant les objectifs à atteindre sur la période et déterminant alors ces conditions de rémunération. Une grande attention est apportée à la gestion de la performance. Elle se traduit par un salaire fixe représentant 60% de la rémunération, 20% liés à la responsabilité du poste selon une cotation effectuée par le ministère et 20% lié à l’atteinte des objectifs. é Bibliographie : Bibliographie générale : - Site Internet de CSE développement : http://www.cse-d.eu - La protection sociale des agents publics en Europe, CSE développement et ISE, Bruxelles, juin 2001. - Réformer l’encadrement supérieur, l’expérience de 7 pays, Institut de la Gestion Publique et du Développement Economique (IGPDE) et OCDE, Paris, février 2003. Site du ministère des Finances (http://www.minefi.gouv.fr/minefi/ministere/institut/publications.htm et Perspective Gestions Publiques, IGPDE, n°6, mai 2003. - Les fonctions publiques dans l’Europe des 12, J-L.BODIGUEL, LGDJ, Paris, décembre 1994. - Réforme de l’Etat à l’étranger, Rapport d’information n°348, Sénat, session ordinaire de 2000- 2001, 31 mai 2001. - Le secteur public au XXIème siècle, Repenser le leadership, OCDE, Paris, 2001(www.ocde.org). - La fonction publique dans l’Europe des 15, Nouvelles tendances et évolution, D. BOSSAERT, C. DEMMKE, K. NOMDEN, R. POLET, IEAP, Maastricht, 2001. Italie Site du Ministère de la fonction publique : http://www.funzionepubblica.it é Retour à la liste des Etudes