samedi 15 novembre 2008

Le chef d'établissement ministre plénipotentiaire...bientôt les stocks options?

Extrait des recommandations du rapport de F;REISS à l'assemblée nationale

"La nécessité d’une présidence forte et d’une autorité globale

Le rapporteur est favorable au maintien du cumul des fonctions de chef d’établissement et de président du conseil d’administration.

De récents rapports, aussi bien ceux des inspections générales de l’éducation nationale que le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, préconisent une dissociation de ces fonctions, en prenant exemple sur les établissements d’enseignement et de formation initiale agricoles et en faisant valoir que cela permettrait d’alléger l’emploi du temps du chef d’établissement, qui pourrait se consacrer ainsi à sa mission de « pilote » du projet pédagogique de son collège ou de son lycée. Or, loin d’apporter un plus, cette réforme serait en réalité contreproductive : le conseil d’administration est l’organe qui délibère sur l’organisation éducative et pédagogique de l’EPLE selon l’article 2 du décret du 30 août 1985 ; autrement dit, c’est l’organe qui définit et met en place l’autonomie. Dès lors, comment le chef d’établissement pourrait-il conduire sa politique pédagogique s’il ne préside plus l’instance qui légalise et légitime tous les actes instituant cette autonomie, du projet d’établissement au contrat d’objectifs, et valide ainsi le travail de réflexion et de concertation préalables mené par les autres instances que sont le conseil pédagogique, la commission administrative, etc. ? Par ailleurs, il suffit de penser aux conséquences que pourrait avoir sur l’autorité d’un chef d’établissement le fait d’être mis en minorité, en tant que simple membre, par le conseil d’administration sur un aspect essentiel du projet pédagogique, pour constater que la dissociation des fonctions constitue une fausse bonne idée.

– Le chef d’établissement doit être épaulé par un pôle administratif de l’EPLE suffisamment doté en moyens financiers et en personnels qualifiés. Conformément aux engagements contenus dans la charte des pratiques de pilotage annexée au relevé de conclusions signé le 24 janvier 2007, cela nécessite, de la part du ministère et des académies, de mettre en place une politique de formation des personnels et de requalification de certains emplois administratifs comme ceux des gestionnaires, qui prennent en charge la gestion financière des établissements, et des secrétaires qui, parfois, jouent le rôle de véritables secrétaires de direction.

– Les chefs d’établissement doivent devenir les maîtres d’œuvre de la politique pédagogique des collèges et des lycées. Dans cette perspective, le conseil pédagogique, institution encore récente, doit être généralisé pour en faire, au sein des EPLE, le lieu principal de la réflexion sur la valeur ajoutée de tel acte ou démarche pédagogique. Sa nature essentielle d’organe de concertation doit être rappelée, afin de dissiper les craintes ou les phantasmes que sa mise en place peut susciter chez le corps enseignant. Cependant, il faut le structurer davantage en désignant, par exemple, un enseignant explicitement chargé de seconder le chef d’établissement dans l’animation et le suivi de ses travaux (15).

Par ailleurs, ce point étant particulièrement essentiel, il convient de confier aux établissements, d’ici la rentrée prochaine, une autonomie d’utilisation sur une partie de leurs moyens horaires. Plusieurs entretiens du rapporteur ont mis en avant l’opportunité qu’il y aurait à donner aux EPLE la nécessité de gérer 10 % à 15 % de leur dotation globale horaire, étant entendu que cette souplesse serait utilisée pour traiter la difficulté scolaire et expérimenter des méthodes pédagogiques innovantes pour le soutien personnalisé et/ou en petits groupes. L’utilisation de ces moyens horaires devrait être contractualisée, c’est-à-dire détaillée dans le contrat d’objectifs qui est signé entre le chef d’établissement et le rectorat. Au préalable, les modalités et finalités d’utilisation de ces moyens devraient faire l’objet d’une concertation avec le conseil pédagogique. À terme, il serait souhaitable, ainsi que le préconisent les rapports des missions d’audit de modernisation de 2006 sur les grilles horaires des collèges et des lycées généraux et technologiques, d’abroger les grilles horaires hebdomadaires dans ces établissements au profit d’un plafond horaire annuel de classe du lycéen ou d’une base horaire par cycle pour le collégien (annuelle pour la 6e, bi-annuelle pour le cycle central et annuelle pour le cycle d’orientation de la 3e), la gestion de 20 % des moyens horaires étant laissées à la libre appréciation des équipes éducatives.

– Le renforcement de la présidence de l’EPLE implique de repenser la procédure de recrutement des enseignants dans les collèges ou lycées. Le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant explore plusieurs pistes de réforme dont certaines conduisent à opérer une véritable révolution culturelle par rapport à la procédure actuelle d’affectation, qui intervient sur la base des seuls vœux des agents, dans un ordre de choix déterminé par le barème. Est ainsi évoquée la possibilité d’instituer une procédure de qualification au niveau national, suivie d’une sélection par l’instance locale. Par souci de réalisme, le rapporteur défend, dans un premier temps, une approche moins révolutionnaire qui consisterait à faire participer les chefs d’établissement à la procédure d’affectation, selon des critères formels à définir, en prévoyant notamment un entretien, et à les impliquer plus directement encore, selon une procédure ad hoc, dans les recrutements destinés à pourvoir les postes à profil particulier de certains établissements difficiles.

● La responsabilité : le pilotage par la performance

La contrepartie du renforcement de l’autonomie pédagogique est le développement d’une évaluation qui soit fondée sur la valeur ajoutée de l’établissement : en effet, c’est l’évolution qualitative des acquis des élèves, sur une durée significative, qu’il importe d’évaluer.

– Il faut veiller à ce que la déclinaison des indicateurs figurant dans les rapports annuels de performance au niveau des académies et de leurs plans annuels de performance, puis au niveau des EPLE et de leurs projets d’établissement, soit pertinente. Ne doivent être retenus, en effet, que les indicateurs qui revêtent une vraie signification au regard des spécificités locales.

En outre, il faut établir des indicateurs qui ne soient pas que quantitatifs. Dans une démarche de pilotage par les objectifs, la construction d’indicateurs qualitatifs, c’est-à-dire de progrès ou de valeur ajoutée, sur lesquels l’effort des établissements devrait porter en priorité, est essentielle. Les EPLE ne peuvent donc se contenter du taux de succès au bac. Ils doivent aussi indiquer des facteurs aussi essentiels que le taux d’absentéisme, les actes de violence, la scolarisation d’élèves handicapés, ainsi que, bien entendu, l’évaluation des compétences des élèves. Parmi les indicateurs qui pourraient être généralisés au niveau des établissements, on peut citer la différence entre les taux attendus et observés de réussite scolaire (indicateur utilisé par l’académie de Toulouse), la fluidité des parcours adossée à un pourcentage de redoublement maximum de 2 %, le taux de sortie du collège sans acquisition des compétences de base en français et en mathématiques, etc. (16).

– Quant au contrat d’objectifs, il devrait être l’instrument central de l’évaluation. D’une durée de cinq ans, il doit impérativement faire le lien entre les résultats à atteindre et les stratégies de prise en charge et de remédiation de la difficulté scolaire. En outre, il convient de lui donner plus de force. C’est pourquoi l’utilisation que l’établissement aura faite, dans le cadre de ce contrat, de son autonomie devra faire l’objet, en cas de défaillance, d’une procédure d’alerte publique. Ainsi, au bout de trois ans, un premier bilan d’étape établi par les corps d’inspection serait rendu public dès lors que les rapports d’activité de l’établissement font état soit d’une dégradation soit d’une stagnation des résultats par rapport à la trajectoire de progrès décrite dans le contrat d’objectifs. Dans ce cas de figure, un avenant au contrat d’objectifs devrait être adopté par le conseil d’administration de l’établissement. Au bout des cinq années d’exécution du contrat, la situation de l’établissement serait réexaminée et donnerait lieu à un nouveau rapport public. Si aucune amélioration n’a eu lieu, le nouveau contrat d’objectifs ne pourrait être signé entre le recteur et le chef d’établissement qu’après validation par le ministère de l’éducation nationale. Cette procédure ne conduit pas à sanctionner l’établissement, puisque ces moyens ne seront pas diminués, mais elle permet à l’État d’exercer un droit de regard critique sur la situation de certains établissements dont on peut espérer qu’il aura sur eux un effet mobilisateur.

Pour renforcer la portée du dispositif d’évaluation, celui-ci devrait avoir, en cas de résultats insatisfaisants, des conséquences sur la gestion de la carrière des chefs d’établissement tant en ce qui concerne les mutations que les promotions. Quant aux chefs d’établissement dont l’inertie ou l’incapacité est avérée, le rapporteur estime que la gravité de la situation justifierait leur réintégration dans leur corps d’origine. Ainsi rénové, le pilotage par la performance devrait être accompagné par l’adoption de mesures renforçant le partenariat des EPLE avec les deux acteurs majeurs suivants :

– S’agissant des relations avec l’académie, le recteur doit avoir pour mandat de ne pas contrecarrer, par des demandes fréquentes et inopportunes, les contrats d’objectifs et les projets d’établissement. Parallèlement, les inspecteurs pédagogiques régionaux-inspecteurs d’académie (IPR-IA) doivent être déchargés de certaines tâches de gestion pour assurer une fonction de « conseil pédagogique de proximité » auprès des EPLE et des enseignements qui leur sont rattachés. Enfin, une partie du budget académique doit pouvoir être négociée avec le niveau central afin que l’académie puisse venir en appui à la réalisation des indicateurs.

– S’agissant des relations avec les parents, ces derniers doivent être mieux informés de la politique pédagogique de l’établissement, notamment sur l’utilisation des moyens horaires non fléchés. Ces éléments devraient leur être communiqués chaque année, à l’occasion d’une réunion du conseil d’administration."

L'AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127

est disponible sur:

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2009/a1199-tV.asp