samedi 13 janvier 2007

D’une équipe à la suivante : le pari aléatoire de l’évolution

Aussi bien un homme seul, fût-il entouré de son « collectif » accrédité, ne dirige-t-il en aucun cas d’autorité un syndicat, du simple fait de sa désignation, arrêtée dans le temps, par les militants des académies et leurs représentants dans les instances nationales. Le cas échéant, chacun des membres d’un Secrétariat national, censément désigné par le collectif, et non nommé par tel ou tel de ses pairs ou considéré tel, est a priori censé être la voix et l’exécutif de la Structure, dès lors qu’il en assume, au-delà du conjoncturel et de l’aléatoire des ego, l’adhésion sur le long terme. Rien de définitif ne saurait donc s’instaurer de soi-même, dès lors que la notion de personnalisation du pouvoir demeure étrangère à la réalité d’un mouvement syndical à proprement parler. Dans le cadre de la passation du flambeau d’une équipe à une autre, il ne saurait par conséquent y avoir échec politique de la part du syndicat en tant que tel. Le syndicat est la continuité en soi, non seulement sur le plan de sa propre politique, mais sur celui des idées qui la véhiculent à juste titre. Bien au contraire, un syndicat est par définition la cohérence et la synthèse de ses valeurs historiques et fondamentales. Il l’est indifféremment des hommes en place, précisément susceptibles, quant à eux, de s’égarer, à l’occasion, dans l’interprétation des mandats, dont ils ont cependant reçu la charge à la base, dès l’instant où ils les ont sollicités de la part de leurs prédécesseurs et de leur base syndicale. Un syndicat ne saurait faillir, comme par magie, d’une saison sur une autre, à partir de l’affirmation de ses principes de base et de ses engagements au niveau des adhérents. Ne perdons pas de vue qu’il en représente la somme des mandats et les mandats eux-mêmes, dans leur diversité et leur cohérence politique après débats et synthèse à l’issue. Et pour cause. Un syndicat est la somme de toutes ses structures et, sur la base d’une telle chape, demeure un et indivisible, en dépit des aléas et des hommes en place à titre exécutif et transitoire. Il demeure un et indivisible dans le temps limité du bâti ou du déclin toujours possible. Un tel cas de figure peut aussi se produire, on le sait au regard de l’Histoire récurrente des systèmes et des hommes les ayant investis pour des motivations diverses. Car l’Histoire repasse toujours les plats, dès lors qu’un espace de pensée collégiale se vide de sa substance intellectuelle et militante, voire qu’il en combat toute velléité, par le recours passif à l’absurde d’un vide de pensée normalisé, pour ne pas dire « militant » à plein temps. Normalement, dans le domaine de l’absolu syndical, l’enjeu dépasse évidemment les ambitions particulières de tel ou tel individu - quel que soit son niveau de responsabilité - appréhendé à titre individuel, et dans la limite de ses propres ambitions, fussent-elles de nature à relever du service de l’intérêt collectif au démarrage. Mais au démarrage seulement, et c’est dommage quelque part. Car ne rêvons pas, une telle prospective relève à tous les coups de la gageure et du vœu pieu, les hommes étant ce qu’ils sont, et persistant parfois dans leur état de nature jusqu’à plus soif et même au-delà. Non, les épisodes temporels de ce qu’il conviendrait plutôt d’appeler la « Passation des devoirs », sont éminemment sensibles et sujets à dérives en tous genres. Et la confusion des genres entre les dérives népotistes et le service du bien commun, est toujours difficile à tenir sur la distance, à plus forte raison pour ceux dont la surface militante ne les appelaient pas nécessairement à conduire à son terme une telle mission d’envergure. Il est vrai que qu’il y a loin du fantasme à la réalité dans la dispersion des esprits. Il y a plus loin encore de l’action syndicale aux professions de foi fracassantes des premières tribunes, elles-mêmes encore marquées des débats d’une législature autrement plus passionnée à tous points de vue. Dès lors qu’on postule à s’inscrire dans la pérennité d’un syndicat, on ne joue pas à faire semblant, si tant est qu’on a choisi de servir une cause collective, sans faire l’économie de soi ni de son temps, et encore moins sans renâcler devant l’obstacle. Un syndicat ne saurait faillir de lui-même, c’est vrai, mais il en va autrement des hommes dont il était dit que c’était la mission de remplir à l’origine les devoirs de la charge. Dans tous les cas, cette charge est collective et s’assume face au collectif, un jour ou l’autre, en espérant, dans l’esprit du bien commun, que les dégâts intermédiaires, s’ils sont avérés, se limiteront au minimum des dégâts au sens le plus limitatif de la notion de dégâts. Ici encore, on peut rêver. ARGOS