lundi 14 janvier 2008

un avis autorisé de L'"usine nouvelle"

Succès mitigé pour le bac pro en trois ans

22/06/2006

Près de 1000 élèves s'apprêtent à passer les épreuves du baccalauréat professionnel en trois ans. Lancé par l'UIMM, ce cursus attire de plus en plus de jeunes, malgré un taux de réussite décevant aux examens et de nombreux freins administratifs.

Les dés sont jetés ! Depuis le 12 juin pour les filières générales et techniques, et à partir du 19 pour les filières professionnelles, 640 000 candidats planchent sur les épreuves du baccalauréat 2006. Cette année encore, l'intérêt pour le précieux sésame ne se dément pas : les effectifs sont en hausse de 1 %, toute filière confondue. La palme revenant aux filières professionnelles qui drainent près de 3,5 % de jeunes de plus qu'en 2005.
Parmi eux, une poignée de candidats jouent les cobayes. Leu rôle ? Tester le baccalauréat professionnel - qui conjugue cours et stages en entreprise-en trois ans.
Lancé en 2002, à l'initiative de l'UIMM, pour lutter contre la désaffection des filières techniques, ce cursus ne remplace pas le bac pro en quatre ans (deux ans de BEP suivis de deux années de bac). «Il le complète en offrant à la filière professionnelle un diplôme identique en durée aux deux autres voies, générale et technologique», insiste Maryannick Malicot, responsable du bureau formation professionnelle initiale au ministère de l'Education nationale.
Si un bilan complet de ce cursus en trente-six mois sera dressé à l'issue de la session 2006, la rue de Grenelle tire déjà quelques enseignements des premières promotions sorties l'an dernier. Mis en place dans le cadre des centres de formation d'apprentis (CFA), le cursus remporte un franc succès... dans les lycées professionnels. «Sur les 7000 jeunes séduits par le dispositif, seuls 19% ont fait le choix de l'apprentissage», assure Maryannick Malicot. Ce «nouveau» bac pro est ainsi présent dans 133 établissements et 31 CFA, au travers de 30 spécialités essentiellement centrées sur la production (maintenance des équipements industriels-MEI- pilotage de système de production automat isée...) . En constante progression depuis son lancement, le cursus a attiré 3 045 jeunes à la rentrée 2005... malgré des résultats aux examens assez mitigés. Avec un taux de réussite de 69 % seulement, il fait moins bien que son grand frère en quatre ans, qui affiche 78 % de succès. Cette formule accélérée était pourtant censée toucher des élèves de fin de troisième d'un meilleur niveau scolaire. «Mais nous avons eu du mal à trouver notre public, notamment à cause de la méconnaissance du dispositif parmi les prescripteurs traditionnels, surtout les enseignants », juge Alexandre Le Camus, directeur du CFAI de l'Aquitaine.
Des blocages liés au statut des apprentis mineurs
Le bac pro en trois ans fait également les frais des freins administratifs liés au statut des apprentis mineurs. «Les jeunes n'ont pas le droit de travailler sur des machines dangereuses et cela gêne un certain nombre d'entreprises qui seraient prêtes à les prendre en stage», assure Dominique de Calan, délégué général adjoint de l'UIMM. «Du fait de l'âge et de l'inexpérience des candidats, il n'est pas simple de leur trouver un patron», ajoute Marie-Noëlle Dumond, directrice adjointe de l'école des Gobelins à Paris, qui propose un bac production graphique en trois ans. Enfin, la durée (les entreprises doivent s'engager pour trente-six mois) peut aussi bloquer les petites entreprises, plus habituées à gérer au jour le jour leur activité.
Une réponse aux pénuries de personnel
A l'heure des pénuries, la filière séduit pourtant les employeurs qui l'ont expérimentée. «Elle nous permet de former des profils compétents dans le domaine de la maintenance, qui n'existent pas sur le marché du travail actuellement », témoigne Philippe Longuet, responsable production de l'entreprise de nettoyage industriel Anett (90 salariés), qui a déjà accueilli trois bacs pro MEI.
Après quatre ans d'existence, le ministère pense que le dispositif n'est pas loin d'avoir atteint sa vitesse de croisière, avec un rythme de 3 100 entrées par an. L'avis n'est pas partagé par l'UIMM, qui affirme pouvoir faire mieux. «Sans les différents blocages, nous pourrions notamment doubler le nombre d'apprentis, qui s'élève à 1000 jeunes», assure Dominique de Calan. Qu'elle progresse ou pas, la filière ne devrait pas en tout cas être remise en cause. «C'est une réponse qui manquait dans le paysage, affirme Marie-Noëlle Dumond. Les jeunes ont de telles difficultés d'orientation aujourd'hui qu'il faut multiplier les propositions pour les aider à trouver leur voie.»
Thibaut de Jaegher
L'Usine Nouvelle N°3014 du 15/06/06