samedi 19 janvier 2008

Bacs Pro 3 : JL Mélenchon tacle Darcos

Extrait du BLOG de JEAN-LUC MELENCHON

Aujourd’hui je fais cette note pour donner en quelque sorte la parole à ceux qui ne l’ont jamais : les méprisés, les dédaignés par toute la bonne société éducative, les élèves de l’enseignement professionnel et leurs enseignants. Certes ce n’est pas la grande Actualité ! C’est bien moins excitant que la lecture comparée des dernières hagiographies mutuelles entre socialistes. Mais c’est l’essentiel à mes yeux : la préparation de la suivante génération des ouvriers, techniciens et employés hautement qualifiés sans lesquels ce pays ne serait rien, les producteurs de l’immense masse de richesse si injustement répartie en dépit de leurs efforts.....

Extrait de l’intervention au SENAT de JEAN LUC MELENCHON ,ancien ministre, dans le débat sur le budget de l’enseignement scolaire.

Les différentes catégories sont toujours les mêmes : il y a ceux qui n’y connaissent rien et qui ne veulent pas en entendre parler et les têtes d’oeufs qui ont trouvé la bonne occasion de faire des économies : réduire, réduire et encore réduire les budgets. Le ministre, quel qu’il soit et même s’il n’en pense pas moins, est obligé d’accepter, car il est membre du gouvernement.
La grande trouvaille consiste à réduire le budget de l’enseignement professionnel en comptant sur sa prise en charge par le secteur privé, grâce à l’apprentissage. Or, si celui-ci fonctionne très bien pour les métiers où le tour de main et le geste sont essentiels et où la connaissance se transmet visuellement, en revanche, il est plus délicat pour tous les autres métiers. Car le niveau technique s’est considérablement élevé et un haut niveau de connaissances générales est devenu nécessaire.
Nous avons besoin d’ouvriers titulaires d’un diplôme de CAP, mais aussi, et surtout, d’un plus grand nombre de détenteurs d’un bac professionnel. C’est le coeur de l’affaire. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Je sais que M. le ministre veut bien faire, car il écrit des communiqués touchants où il déclare que, pour améliorer l’accès au bac professionnel, celui-ci se passera en trois ans au lieu de quatre aujourd’hui (2 ans pour le BEP puis 2 ans pour le bac pro). Je souhaiterais formuler deux remarques à ce propos.
C’est d’abord une question de classes. L’objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat a commencé à être remis en cause lorsque nous sommes parvenus à peu près à ce pourcentage pour les filières de l’enseignement général. Et pourtant, au total, le résultat n’est que de 60 %. Où est la différence ? Dans l’enseignement professionnel, où la moitié de nos jeunes ne vont pas jusqu’au bac professionnel et s’arrêtent au BEP.
Là se joue la promotion des travailleurs et des milieux populaires. Il faut comprendre pourquoi les choses ne se passent pas aussi bien qu’on le voudrait. Et apporter des solutions concrètes, techniques.
Pour quelles raisons croyez-vous que les jeunes ne vont pas jusqu’au bac professionnel ? Parce qu’ils s’ennuient à l’école ? Non, ce n’est pas le sujet car souvent ils se reconstruisent dans l’enseignement professionnel. En premier lieu, ils doivent suivre des remises à niveau qui demandent un peu plus de temps. En second lieu, toutes les filières ne sont pas au même endroit. Si un jeune réussite son BEP et qu’il veut continuer en Bac Pro, il doit parfois se déplacer dans la ville d’à côté. Or il n’y a que les petits bourgeois qui croient que toutes les familles possèdent deux voitures ! Que fait le jeune ? Il quitte l’école pour l’emploi en espérant que les choses s’arrangeront. Par ailleurs, beaucoup de lycéens professionnels sont pères ou mère de famille - d’après les statistiques, la moyenne d’âge des effectifs de l’enseignement professionnel est plus âgée -, et il faut qu’ils mangent. Donc, si l’on veut les amener à un niveau suffisant de qualification pour le bien du pays, il convient de leur donner les moyens matériels de continuer leurs études.
Telle est la clé de la situation, au lieu de raccourcir la durée de formation pour accéder au bac pro. Vous vous trompez, monsieur le ministre, car vous avez été mal conseillé. Je sais qui se charge de ce boulot depuis des années : les grands trouveurs de Bercy et les grands intelligents de l’Union des industries et métiers de la métallurgie, l’UIMM.
Monsieur le ministre, on parle souvent des permanents ouvriers des syndicats, mais méfiez-vous des permanents patronaux. Certains n’ont pas mis les pieds dans une boîte depuis quinze ou vingt ans
. Cela ne les empêche pas de vous expliquer comment former les ouvriers. Je considère qu’ils sont aussi suspects que ceux qui n’y ont jamais travaillé. Surtout lorsqu’ils relaient des trouvailles comme celle de l’UIMM visant à ramener la formation du baccalauréat professionnel à trois ans.
L’IUMM souhaite un bac pro en trois ans pour plusieurs raisons. D’abord, ils pensent aux économies qui résulteront de la diminution du temps de formation. Ensuite, ce sont des partisans acharnés d’un partage aberrant entre l’éducation nationale et le monde de l’industrie : l’éducation nationale s’occupe des connaissances générales - comme ils disent - et eux certifient les compétences professionnelles.
La délivrance d’un certificat de compétences est au coeur de la polémique entre le système républicain de l’enseignement professionnel et les organismes anglo-saxons qui ont partout validé ce certificat.
Le certificat de compétence, c’est le piquet qui tient le travailleur à la gorge. Un diplôme qui garantit une qualification permet la garantie durable d’un salaire dans les conventions collectives. En revanche, un certificat de compétence n’a de durée que la durée du produit fabriqué. Un certificat de compétence, dans le secteur de l’automobile, a une durée de cinq ans et la durée de vie d’une automobile est de sept ans sur le marché.
Voilà pourquoi la question scolaire est toujours une question sociale. Et elle nous renvoie à l’idée que nous nous faisons du développement de notre patrie républicaine.
Monsieur le ministre, c’est une erreur de généraliser le bac pro à trois ans. Un chiffre le prouve. Aujourd’hui, le baccalauréat professionnel se prépare en quatre ans - les études courtes professionnelles m’ont toujours fait sourire. Mais il faut savoir que 20 % des jeunes qui arrivent aujourd’hui au bac pro ont eu besoin d’une année cinquième année. On voit mal comment ils s’en sortiront en trois ans !
Monsieur le ministre, je plaide pour la jeunesse ouvrière, je plaide pour les travailleurs, je plaide pour le développement de notre pays en tant que puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

NDLR :les surcharges du texte sont le fait de la rédaction du blog

 

Un parmi les 40 commentaires  publics de l’intervention publiée:

Merci à Jean-Luc Mélenchon pour avoir pris la défense de l’enseignement professionnel. Il semble en effet que seule la logique budgétaire soit le moteur de cette réforme: Moins de BEP (jusqu’à leur disparition totale), donc des économies de postes/ Davantage de CAP, mais pas d’augmentation de postes (l’apprentissage prenant le relais) et de surcroît, des économies en matière d’examen (les CAP étant des diplômes qui se préparent en contrôle continu). Et effectivement baisse générale du niveau de qualification des jeunes: Un certain nombre de nos élèves poursuivent, après le BEP, un Bac Pro. Mais si on leur avait dit, au sortir de la 3ème (élèves qui souvent peinent au collège) qu’ils allaient suivre une formation Bac Pro, beaucoup auraient refusé. On aurait pu penser un Bac professionnel en 3 ans afin de ne pas pénaliser les jeunes qui en avaient les moyens mais seulement et seulement si cette formation s’était ajoutée aux offres de formation actuellement existantes. Aujourd’hui malheureusement, ce genre de projet semble relever de l’utopie. Si comme vous le dîtes Monsieur Mélenchon, c’est l’enseignement professionnel qui passe d’abord à la trappe, il faudra également être très attentif aux diplômes car cette réforme risque fort de s’accompagner du contrôle en cours de formation. Nous savons que le danger est grand alors de voir les établissements, par ce biais, être soumis à concurrence. Les professeurs pourront-ils restés neutres dans leur évaluation? Si le lycée est réputé, les classes sont pleines et les postes ne sont pas en ballottage… Quel crédit auront alors ces diplômes? Si l’on émettait l’idée que le Bac Général se passe sous forme de contrôle continu, ce serait un tollé général! Mais le Bac Professionnel, qui en parlera?

Huet Caroline