jeudi 1 mars 2007

Crépuscule pour les classes moyennes…

Ecrivains et intellectuels de tous bords convergent aujourd’hui pour annoncer une disparition possible et rapide des classes moyennes C’est une question évidemment centrale pour les enseignants qui sont au cœur des classes moyennes et se battent pour s’y maintenir, à dé faut de pouvoir donner corps à leur aspiration croissante à en sortir par le haut vers l’élite bourgeoise. Nées à l’époque des trente glorieuses ou elles avaient été les premières à bénéficier des progrès économiques ,sociaux et culturels, les classes moyennes se sont développées en France au point de devenir majoritaires.. On le doit en particulier à la croissance économique et au développement de la protection sociale. Mais on le doit aussi aux possibilités d’accès par l’ascenseur social que le système éducatif a longtemps et largement offert aux enfants dont les parents n’étaient pas eux mêmes parvenus à en pousser les portes . Le plus vivant exemple en fut donné et porté par les écoles normales d’instituteurs Une relative aisance donnait de l’optimisme, une cohérence , une solidarité à un ensemble social ,divers et multiforme, uni par la volonté d’innover et d’aller de l’avant dans une nouvelle forme de modernité sociale,’ ; Les avancées qui profitaient aux classes moyennes se diffusaient en fait sur l’ensemble de la population Ce n’est donc, évidemment, pas un fait du hasard si le parti socialiste s’est attaché ,notamment après1968,_à tenter politiquement de les organiser sous le concept politique du Front de Classe, destiné à damner le pion à celui marxiste de classe ouvrière qui rejetait tous les nouveaux, et souvent modestes cols blancs d es bureaux et du secteur naissant des services Toute avancée dans la redistribution vers les classes populaires obtenu par les classes moyennes entraînait de nouvelles exigences et nourrissait le moteur social et le progrès collectif . Chacun mesure bien aujourd’hui quelle a été la force de la dynamique de croissance et de progrès social de l’après guerre , et ce en dépit d’institutions politiques faibles et des crises du colonialisme Chacun se rappelle ausi de l’aspiration sociale à l’accès à la 4CV RENAULT , véritable consécration identitaire de la classe moyenne. De 1945 à 1975 l e salaire réel moyen net a triplé A l'opposé,pour les vingt dernières années les experts estiment la croissance du salaire réel moyenne autour de o,5% par an ,soit 12% en effet cumulé depuis vingt ans Le contraste est éclairant ! Nous avons en vingt ans moins progressé qu’en trois ans entre 1945 et 1975 ! Ce gel du développement de l’économie et du moteur des progrès est une des raisons de la perspective de l’effondrement des classes moyennes. Il conduit , par exemple, aujourd’hui des enseignants ,de plus en plus conscients de la dégradation de leur situation économique et sociale, aux portes de la smicardisation et à franchir dans la foulée celles du déclassement social . Au cours des vingt dernières années, la redistribution des produits de la croissance s’est renversée. Elle s’ effectue aujourd'hui, chacun peut le mesurer à l’aune des profits annoncés des entreprises, à nouveau et de façon croissante au profit du capital et au détriment des salariés. L’ascenseur social est en panne et fonctionne très mal pour les jeunes des milieux défavorisés , tout particulièrement pour ceux issus de l’immigration . Ceux qui accèdent aux études et à l’emploi affrontent une véritable déclassement générationnel qui leur construit une situation économique nettement moins favorable que celle de leurs parents sur fond de reculs sociaux.orchestrés. Du coup le pessimisme, l’anxiété et le malaise social ,le repli individuel ont remplacé l’optimisme et le sens du progrès collectif . La question du devenir et de la place ,si cen'est de la fin, des classes moyennes est au cœur aussi bien de l’élection présidentielle que des interrogations sur le devenir du mouvement syndical ; Ne serait ce que parce qu’aucune des forces qui ont participé aux alternances politiques n’a réellement appréhendé les évolutions ou proposé un quelconque modèle de réponse , ce qui conduit beaucoup de français à douter de la réalité profonde de leurs différences proclamées en matière économique et sociale Mais aussi parce que la mondialisation est en passe d’exporter en Chine ,en Inde ou ailleurs demain , le modèle de classe moyenne qui a fait en France le succès économique de notre pays sur fond de l'évocation d'un déclin pour la France. Enfin,parce que si les classes moyennes ne s‘accrochent pas à justifier leur existence ,leur utilité et leur positionnement économique, il est fort à craindre qu’elles soient aspirées et laminées entre une élite assez nombreuse, au pouvoir d’achat renforcé par la consommation de masse et le crédit, et une classe prolétaire très élargie , jonction et fusion de la classe ouvrière et d’une large fraction des couches moyennes . Je me suis déjà interrogé ici ,par exemple, sur le choix de fédéralisation à outrance de certaines organisations syndicales ?Quelle est leur vraie stratégie ?;Considérer l’évolution comme un déterminisme de l’ évolution sociale et devancer le mouvement pour organiser au plus tôt la réponse de la nouvelle classe prolétaire ? Encadrer l’évolution en tentant de construire par la voie contractuelle des formes de cogestion sociale de l’Etat ? Attendre que la prolétarisation apporte au mouvement syndical de nouvelles forces de contestation et que le déclin forge de nouvelles solidarités moteurs de nouveaux combats? Il est bien difficile d’avoir des certitudes. Sur le plan politique, mis en avant par l’élection présidentielle, il me semble que les dernières semaines ont mis en évidence une meilleure compréhension des Français de la situation qui prévaut dans notre pays . Leur expression croissante en faveur d’une unité politique nationale reconstituée donne à penser qu’ils sont en quête d’ « un salut public » . Cela me paraît être une des expressions forte des classes moyennes dans leur recherche d'un remède à leur malaise social et politique et d’une sortie à leur appréhension économique de l’évolution du monde qui les entoure Bernard PABOT