La signature d’un protocole au ministère de l’Education est toujours, sous les lambris de la grande bibliothèque, dans les salons du ministre ou sur sa pelouse selon la saison, une opportunité pour de grandes congratulations .
Elle est l’occasion, avant ,pendant, et après, de nombreux effets de verbe ou de manches qui permettent à chaque signataire d’assaisonner le menu protocolaire à sa convenance devant ses mandants et l’opinion publique.
Qu’il soit de fin gourmet ou de maigre pitance, chacun, lorsqu’il est signataire , s’accorde à tirer la nappe à lui .
Mais qui s’en offusquerait ?
Ne sommes nous pas en République et ne faut-il pas renforcer la démocratie sociale ?
Mais au delà de ces bruyantes retrouvailles sociales, il se joue alors sous les sunlights de la République bien des jeux plus subtils et largement méconnus.
Sait-on bien, par exemple, que quel que soit le régime politique en place, il est une règle intangible pour ce genre. d’exercice :
Nulle organisation ne saurait en effet participer au suivi de mise en œuvre et au bilan d’application d’un protocole si elle n’en est pas signataire.
Quitte bien sûr pour le pouvoir en place à faire discrètement le nécessaire en cas de besoin, auprès de ses amis qui par inconvenance auraient omis de signer aux cotés du MINISTRE!
En d’autres termes, ceux qui ne signent pas sont mis hors-jeu de l’information et des discussions ministérielles sur la suite et le fonds du dossier protocolaire!
A première vue, qui y verrait malice ?
Mais, à y regarder d’un peu plus prés, on voit bien l’intérêt d’un tel principe pour un Ministre :
S’afficher dans le clan de la démocratie tout en ne discutant et en n’agissant qu’avec les seuls interlocuteurs qui partagent ses choix, ou qui par un geste authentique et opposable ne s’inscrivent pas parmi ses délateurs
Les ministres sont aussi très attachés à cette règle parce qu’ils en mesurent pleinement les effets déstabilisateurs, voire dévastateurs sur les forces syndicales
Ce pourrait n’être bien sûr qu’un jeu, voire un art de la plume
Mais quel est exactement l’effet d’un tel principe du coté des syndicats et de leurs responsables?
On peut en dresser une typologie apparente qui, pour être un peu caricaturale, n’en est pas moins limpide et respectable.
Commençons par ces édiles syndicaux qui, par culture ou par habitude, sont accompagnateurs dans l’âme et partisans du contractuel par vocable .
Toute réforme, à fortiori si elle se nourrit d’expérimentations, est à leur jugement, sauf provocation ouverte ministérielle, progressiste par nature et doit être accompagnée.
Ne pas signer n’est donc pas envisageable!
Leur bilan syndical n’a de ce fait souvent pas de contenu propre.
Celui du ministère y pourvoit, sous couvert bien sûr d’expliquer aux mandants qu’on a fortement« instrumentalisé » le ministre.
Il faut ensuite faire une place particulière à ces hommes et femmes qui, dans un style suranné au demeurant de plus en plus rare, rejettent toute signature, par essence suspecte de compromission dés lors qu’ils ont la conviction chevillée que, dans toute lutte des classes bien comprise, l’intérêt des tenants d’un pouvoir ne saurait rencontrer celui des salariés.
Certains ont des convictions et des analyses fortes.Porteurs parfois depuis longtemps de revendications qui débouchent dans le protocole, ils en sont parfois à la source même’.
Ils gèrent le risque de façon saine et cartésienne et savent qu’ils seront comptables de leurs choix
Ils ont pour s’en expliquer des arguments forts et des mandats pour les justifier ;
Mais ils savent aussi qu’ils sont à la merci d’un non-respect ministériel ou des aléas de la politique et de la démocratie!
Leur jugement est scient et leur rationalité est avertie et affirmée!
On peut également rattacher au type précédent les responsables qui, à l’opposé et sans ambiguïté, savent que le chemin proposé sur le dossier examiné ne peut pas être le leur dés lors qu’il n’est pas celui de leurs mandants
Ils ne concèdent pas et prennent leurs marques pour les crocs en jambe qui ne manqueront pas de suivre !
Mais il faut bien aussi faire place à ceux qui, dépassés sur le fond de l’événement, nourrissent dans leur for intérieur la peur de l’ombre de leur propre mouvement
.Prisonniers de leur stress et de leurs incertitudes ou ambitions interne, ils craignent au demeurant encore plus la marginalisation syndicale et l’obligation d’établir des rapports de dialectique et d’action.
Ils se jettent alors, in fine, dans le mouvement de signature de peur que le monde ait l’outrecuidance de tourner sans qu’ils puissent s’afficher et être vus dans sa vitrine.
Jeter éventuellement sa gourme devient ainsi à leurs yeux et si nécessaire, un acte militant qui permet d’échapper au prurit
Chacun connaît la maxime de circonstance « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis »
Sans oublier, les opportunistes sans grande conviction, à la recherche d’une carte de visite ou d’un crédit pour des élections professionnelles à venir et les profits attachés à leur résultat,
Devant le paraphe ou le risque de mise en marge, chaque organisation s’inscrit à la fois dans une épure générale liée à son collectif syndical et au singulier de son porte-plume.
Le jeu de plume syndical est donc un art qui côtoie celui de la Rhétorique
….
La signature du protocole d’accord sur les BACS PRO en trois ans et les remous qui l’accompagnent témoignent des effets de ce jeu de plume ;
Pour autant l’art de la rhétorique est en défaut
Comment comprendre sinon dans ce débat l’approche à contre mandat particulièrement voyante de la direction du SNETAA, alors que syndicat ne s’est jamais dans son histoire, et par essence, nourri d’une culture du paraphe ?
Suivisme ?.Peur d’être débordé par plus réformiste que soi?
Tentative de révisionnisme syndical ?
Mais pour quel profit pour le devenir de l’enseignement professionnel, pour ses élèves, pour ses maîtres, pour l’emploi et la cohésion sociale?
Si les non signataires s‘expriment en effet avec force sur les motifs de leur refus, qu’ils nous conviennent ou non, les signataires brillent plutôt par le silence ou la faiblesse de contenu argumenté de leurs propos.
Ils murmurent qu’ « ils ont signé pour contrôler et éviter le pire », que « négocier n’est pas conclure », quand ils ne chuchotent pas « on appréciera bien à la clôture… »
Comme s’ils détenaient le pouvoir de suspendre le temps d’une action ministérielle accélérée par l’exigence budgétaire de la récupération urgente de moyens en postes!
On peut craindre qu’il ne s’agisse pas là d’arguments mais d’arguties.
Et c’est fâcheux pour la mission du syndicalisme, tant il est vrai qu’au plan syndical s’il est toujours possible de prévenir, il ne l’est jamais de guérir !
Agamemnon